Ce matin mon amie E., elle aussi sur le quai de la gare Adoptie direction Pologne, m’a passé un article intéressant sur la dépression post- adoption. J’ai eu envie de te le traduire, car c’est un sujet encore tabou mais indispensable d’être connu / reconnu par les parents adoptifs, leurs familles mais aussi la société en général. Article en espagnol : http://www.cometelasopa.com/%c2%bfexiste-la-depresion-post-adopcion/
Ma traduction n’est pas littérale, j’y ai ajouté des éléments qui m’ont paru intéressants (mais je n’ai rien éliminé)
Qu'est-ce que la dépression post- adoption ?
La dépression post-partum est reconnue depuis longtemps comme normale et peut se produire dans une grossesse normale. On en parle ouvertement et est comprise à la fois par les médecins et par les gens en général. Les causes sont claires et attribué à des changements hormonaux et au bouleversement familial.
L’attitude générale face à la dépression post-partum est bonne, elle se comprend et encore plus important, on peut en parler.
Mais que se passe-t-il avec le syndrome de Dépression post Adoption (DPA) , un terme inventé par June Bond .
De celui-là, personne n’en parle. Et les familles souffrent en silence.
Caractéristiques de la dépression post- adoption
En cas d'adoption, les enfants ne sont généralement pas les nouveau-nés et ont donc derrière eux une histoire d'institutionnalisation et d’abandon. Souvent, ils doivent s'adapter non seulement à leur famille mais à une autre langue et la culture ... etc. Ce qui donne une dimension supplémentaire à la possibilité que sa mère souffre de DPA.
Les quelques études qui ont été faites sur ce sujet montrent que le pourcentage de parents qui souffrent est très élevé. Pourquoi?
La plupart des parents adoptifs passent des années à essayer d'avoir un enfant à élever. Les échecs, les longueurs de procédures, les rêves et les désirs peuvent causer des attentes irréalistes quant à ce qui va vraiment être un parent. Ils ne sont pas généralement préparés pour la douleur qu'ils ressentiront lorsqu'ils seront confrontés à leur fils réel en comparaison de l’enfant rêvé. Les nouveaux parents peuvent se sentir coupables au sujet de ses émotions ambivalentes, pleines de ressentiments ou même ressentir de la colère envers cet enfant.
Croire en un lien instantané ou l'amour à première vue, est irréaliste. La passion et l'euphorie initiale cède ensuite la place au processus lent et souvent difficile de l'ajustement à la présence quotidienne d'un autre être humain. Cela prend généralement deux à six mois pour ressentir un réel sens de lien se créant.
Sans y être préparé, ni ayant un soutien de l’entourage, les nouveaux parents adoptifs essaient d'arrêter de penser sur le sujet, sans demander de l'aide. Beaucoup craignent que si ils/elles expriment leurs problèmes à un travailleur social ou un psychologue (la même personne qu’ils ont dû convaincre qu’ils seraient les parents excellents), ils douteront de leur capacité en tant que parents.
Par conséquent, une situation compliquée devient encore plus difficile en raison du manque de compréhension et de soutien.
Et dans de nombreux cas, il faut également ajouter aussi l'incompréhension de la famille et de l’entourage qui ne comprend pas pourquoi les parents ne se sentent pas totalement heureux maintenant que leur rêve est réalisé. Généralement après des années d'attente pour des problèmes d'infertilité.
Une situation complexe se fait alors encore plus douloureuse à cause de l’incompréhension et du manque de soutien (et reconnaissance du problème).
Il faut garder à l'esprit que les familles adoptent des enfants qui ont subi les effets de l'institutionnalisation, de l'hospitalisation, de l'abandon et de la négligence de toutes sortes. Souvent ces enfants ont des besoins académiques, émotionnels, neurologiques et médicaux spécifiques. [Garde en tête les enseignements de la Normalité Adoptive de J.Lemieux].
Si à tout cela nous ajoutons le stress du voyage, l’excitation, les peurs, la non-expérience parentale, les difficultés de communication, l'arrivée et la rencontre dans le pays d'adoption, la pression du jugement, des travailleurs sociaux locaux, le manque de sommeil et le choc culturel, il est facile de comprendre que cette frustration potentielle, d'impuissance et préoccupations est très élevée. En résumé, le terreau idéal pour le début d'une dépression.
Lignes directrices pour aider à la dépression post-adoption
Ces lignes directrices générales aident à la fois dans la première période après la naissance et après l'adoption
- Le premier et le plus important de savoir ce qu’est la dépression post-adoption, savoir que nous pourrons en souffrir mais que c’est une situation normale.
- Au retour du voyage, assure-vous que vous avez le temps de «faire le nid ».
- Ne te sens pas coupable de garder les visiteurs à distance pour les premières semaines. L'exception doit être quelqu'un proche qui t’aidera dans les gestions quotidienne (courses, ménage), te permettant ainsi d’avoir le temps à consacrer à votre enfant et de commencer le processus de lien.
- Essayez d'allonger le congé maternité au maximum.
- Dors au maximum et fait de l'exercice.
- Si tu es célibataire ou que le conjoint ne peut pas aider [ce qui n’est pas idéal pour que le conjoint crée son lien…], trouve quelqu'un pour t’aider. Cela te permettra de te détendre, faire l’essentiel (documents pour formaliser l’adoption, control médical de l’enfant, etc) ou tout simplement prendre soin de toi et de ton enfant.
- Tes nouvelles responsabilités en tant que père / mère font souvent tu deviendras plus incompétents dans d'autres domaines de ta vie ... Ne te sens pas coupable si la maison n’est pas impeccable ou les repas sont assez basiques. On ne peut pas être à 100% partout.
- Prépare-toi à mettre presque tous les aspects de votre vie sur «pause» jusqu'à ce que tout se mette en place.
Rappelle-toi que connaître et être préparer pour la DPA est la clé pour surmonter et de raccourcir ce passage. Il est aussi bon de partager ces " sentiments mitigés " que nous pouvons avoir avec d'autres familles qui sont passés par le même processus. Le fait d’en parler fera tomber le tabou, chez toi et/ou dans les autres familles. Il ne faut pas hésiter à exprimer ces peurs, ces sentiments, à des personnes qui connaissent cette situation car soit elles sont passées par là soit ceux sont des professionnels. Parler pour démystifier, parler pour se sentir plus légères, plus « normal », parler pour trouver des solutions. Parler pour ne pas tomber dans un gouffre sans fond de dépression.